GÉNIE BIOLOGIQUE ET MÉDICAL

GÉNIE BIOLOGIQUE ET MÉDICAL
GÉNIE BIOLOGIQUE ET MÉDICAL

Dans sa volonté de prolonger son existence et d’en améliorer les conditions, l’homme a toujours cherché à intégrer les progrès des sciences et des techniques à la médecine. Il n’est donc pas surprenant que les formidables développements observés au cours de ces dernières décennies dans le domaine de l’électronique, de l’informatique et des matériaux aient abouti à la mise au point de produits nouveaux utiles au diagnostic et à la thérapie. C’est pourquoi l’importance des équipements et des matériels dans la pratique médicale a augmenté considérablement et l’évolution des techniques biologiques, aidée par les progrès de l’instrumentation et de l’automatisation, a permis une intervention humaine plus fine, réduisant le rôle du hasard et de l’empirisme. Les technologies biomédicales représentent donc une source majeure de mutation des pratiques médicales. Elles sont remarquables par leur diversité comme par leur évolutivité.

Le génie biologique et médical (G.B.M.) couvre un champ d’activité étendu, depuis la recherche fondamentale jusqu’à l’usage, en milieu médical, des produits de l’industrie. Il s’appuie sur de nombreuses disciplines traditionnelles des sciences pour l’ingénieur (électronique, informatique, mécanique, etc.) et des sciences de la vie (physiologie, biophysique, immunologie, etc.). Il constitue un terrain de rencontre du médecin et de l’ingénieur et un terrain de collaboration entre scientifiques que leur recherche habituelle ne prédispose pas à travailler ensemble. C’est dire l’extrême diversité des branches du savoir et des activités sur lesquelles repose le G.B.M. S’il est difficile d’être exhaustif dans la présentation de l’ensemble des équipements et matériels médicaux qui composent les différents secteurs du G.B.M., il est néanmoins possible de mettre en évidence pour chacun d’eux, comme on le verra plus loin, un certain nombre de grandes tendances.

L’importance du G.B.M. et son organisation

Le génie biologique et médical peut se définir comme l’ensemble des activités de recherche et d’innovation, de production et de maintenance qui sont à la base des équipements et des matériels utilisés aussi bien dans la recherche biomédicale que dans les applications à l’homme: équipements et matériels médicaux à usage préventif, diagnostique, thérapeutique ou de réhabilitation. À partir de cette définition, les différents produits du G.B.M. peuvent être regroupés en fonction de leur finalité comme suit: imagerie médicale, analyse en biologie clinique, prothèses et organes artificiels, matériel et produits médico-chirurgicaux, lunetterie, aide aux handicapés, exploration fonctionnelle et surveillance.

Ils peuvent aussi être regroupés en fonction de l’effort industriel et scientifique nécessaire à leur émergence. Si l’on prend, par exemple, le matériel médico-chirurgical, il faut distinguer, d’un côté, le lithotriteur, les lasers chirurgicaux, les produits à usage unique, etc., et, de l’autre, l’équipement des salles d’opération, les bistouris électriques et maintenant à ultrasons, etc. Les premiers relèvent presque exclusivement de grandes firmes industrielles et nécessitent un réseau commercial important ainsi qu’un service après vente de qualité, les seconds sont souvent développés dans des P.M.I. et vendus sous licence.

Enfin, si l’on considère les efforts de recherche et d’innovation, il va de soi que l’on peut également distinguer, d’un côté, les produits traditionnels à faible potentiel évolutif – produits à usage unique, matériel de prélèvement, de radiologie conventionnelle, endoscopes, etc. – et, de l’autre, les produits issus d’une recherche intensive – lithotriteurs, lasers chirurgicaux, résonance magnétique nucléaire, etc. Cette recherche fait intervenir le plus souvent des compétences multiples, car nul ne peut aujourd’hui prétendre à lui seul à l’exhaustivité du savoir. De même que la création des équipements et des matériels médicaux, leur évaluation et leur utilisation nécessitent des acteurs multiples et complémentaires.

G.B.M. et progrès médical

Le génie biologique et médical ne constitue pas une fin en soi. Il représente un effort de recherche essentiel au développement des sciences biomédicales et à l’amélioration de la santé. Il apporte à la communauté médicale des outils et des modes de pensées qu’elle se doit de développer si elle veut progresser.

Malgré les immenses progrès qu’elles génèrent, les technologies biomédicales effrayent le gestionnaire des fonds de la solidarité collective et le public, en raison de leur rapide multiplication et de leur incidence sur les dépenses de santé (9,1 p. 100 en France, 7 à 8 p. 100 en moyenne européenne, 12,4 p. 100 aux États-Unis). Ces dépenses sont pourtant faibles par rapport aux dépenses hospitalières (50 p. 100 des dépenses de santé en France) et à celles relatives aux soins courants (honoraires médicaux: 17 p. 100 du budget global, pharmacie: 18 p. 100). On les soupçonne d’alourdir le coût des soins au-delà de ce qui se justifie par le bénéfice qu’en tirent les patients, et de compliquer plus que nécessaire les procédures de diagnostic et de soins.

Si l’expansion rapide des technologies biomédicales cause de profondes difficultés dans la maîtrise et le fonctionnement efficace du système de soin, ces perturbations sont amplifiées par la connaissance encore imparfaite que les acteurs ont des possibilités et des exigences nouvelles liées à l’emploi de techniques innovantes et complexes. Quoi qu’il en soit, beaucoup finissent par s’imposer en contribuant efficacement à l’amélioration des soins aux patients pour lesquels l’inconfort et l’insécurité sont de plus en plus mal acceptés. Cela explique notamment l’essor des techniques non invasives qui tendent à se substituer à certains actes chirurgicaux, telle la lithotritie pour le traitement des calculs rénaux et vésiculaires.

Ainsi, le G.B.M. permet des progrès décisifs aussi bien en autorisant des diagnostics jusque-là interdits qu’en diminuant les accidents au cours de certaines explorations invasives, qu’en permettant de traiter des maladies qui échappaient à toute thérapeutique et qu’en assurant le développement prochain de méthodes de dépistage et de prévention de masse.

Le marché du G.B.M.

Le marché mondial du génie biologique et médical s’élevait en 1986 à environ 150 milliards de francs. À titre comparatif, celui de la pharmacie s’élevait alors à 583 milliards. Il est dominé par le marché américain, qui représente à lui seul en 1990 46 p. 100 du marché mondial, suivi du Japon (20 p. 100 du marché mondial) et de la République fédérale d’Allemagne, qui occupe la troisième place avec 13 p. 100 du marché mondial. Viennent ensuite, avec une faible part du marché, les principaux pays européens: la France (6 p. 100), l’Italie (6 p. 100) et le Royaume-Uni (4 p. 100). Au total, la Communauté économique européenne (C.E.E.) occupe le deuxième rang mondial, car elle détient plus de 30 p. 100 du marché.

Quel que soit le pays considéré, les différents secteurs qui composent le G.B.M. occupent des parts de marché bien distinctes. Ainsi, en France, le partage entre les différents secteurs est le suivant: imagerie médicale, 13,5 p. 100; analyse en biologie clinique, 13,5 p. 100; prothèses et organes artificiels, 13,5 p. 100; matériels et produits médico-chirurgicaux, 39 p. 100; aide aux handicapés, 3 p. 100; exploration fonctionnelle et surveillance, 4,5 p. 100; lunetterie, 13 p. 100.

La croissance annuelle du marché mondial du G.B.M. s’élève à 10 p. 100. Elle se révèle toutefois très variable d’un secteur à l’autre (cf. figure), mais aussi d’un pays à l’autre. Cela est fonction, d’une part, de la présence d’un milieu industriel développé au sein du pays concerné, d’autre part, des diverses réglementations nationales d’autorisation de mise sur le marché.

Les variations de la croissance annuelle peuvent être très grandes pour les différents produits d’un même secteur (cf. figure). Cela dépend des avancées technologiques et de l’apparition sur le marché de produits nouveaux susceptibles de remplacer avantageusement des produits moins performants ou d’aborder de nouvelles possibilités de diagnostic.

Les conditions de l’innovation en G.B.M.

L’innovation peut être définie comme l’identification d’un besoin pouvant être satisfait par un produit que les techniques et les connaissances scientifiques sont susceptibles de réaliser. Ce produit peut répondre à un besoin nouveau. Il peut aussi résulter de l’amélioration d’un produit existant (amélioration des performances, de l’ergonomie, élargissement des possibilités, abaissement du coût de revient). Il peut enfin découler de l’application des progrès de la physique, des mathématiques ou de la biologie à des problèmes connus. C’est cette voie qui est à l’origine du scanner X, des systèmes d’imagerie par résonance magnétique, endoscopes, etc. Plus fréquemment, l’innovation résulte de la mise en application de techniques connues pour résoudre des besoins nouveaux. Cette voie donne souvent lieu à des produits originaux qui s’imposent plus facilement sur le marché international. Elle présente l’avantage de faire appel à des infrastructures scientifiques et industrielles relativement modestes mais impose le rapprochement de professionnels possédant un bagage scientifique et technique très différent, ce qui rend difficile l’identification d’un besoin nouveau, quoique exprimé par le corps médical, mais devant être perçu par les physiciens, ingénieurs ou chimistes capables d’élaborer le produit.

L’émergence d’un produit innovant impose un grand nombre d’étapes qui ne sont généralement pas sous la responsabilité d’une seule personne mais qui ont un lien indiscutable entre elles:

– La recherche fondamentale, aussi bien en biologie qu’en physique ou qu’en mathématiques, point de départ de toute innovation. Les exemples sont nombreux: les progrès dans le domaine de l’immunologie ont donné naissance à de nouveaux réactifs utilisés dans l’analyse en biologie clinique; la découverte de la radioactivité artificielle est à l’origine de la médecine nucléaire, etc.

– L’identification d’un besoin susceptible d’être satisfait par un produit: des relations étroites entre médecins et ingénieurs sont nécessaires à cette étape.

– L’analyse du marché: étape qui conditionne la décision de passer à la réalisation d’un prototype.

– Le prédéveloppement industriel: étape fondamentale qui exige une grande rapidité d’exécution.

– L’évaluation et l’optimisation: évaluation des performances cliniques, des coûts directs ou indirects, adaptation du prototype aux besoins réels de la clinique.

En France, des pôles régionaux de G.B.M. ont été créés dans le cadre du IXe plan: Aquitaine (Bordeaux); Est (Vandœuvre-lès-Nancy); Franche-Comté (Besançon); Ouest (Tours); Grand-Ouest (Rennes); Île-de-France (Créteil); Languedoc-Roussillon (Montpellier); Midi-Pyrénées (Toulouse), Nord-Pas-de-Calais (Lille); Provence-Côte d’Azur (Marseille); Rhône-Alpes (Villeurbanne). Il s’agit d’instituts sans murs à vocation fédératrice. Ils ont pour mission, en relation avec le département de G.B.M. du ministère de la Recherche et de la Technologie et le Comité consultatif régional de la recherche et du développement technologique (C.C.R.R.D.T.), émanation du Conseil régional, de définir des thèmes prioritaires de recherche, d’assurer le financement, le suivi scientifique et généralement la valorisation industrielle des projets.

Les grands secteurs du G.B.M.

L’imagerie médicale

Dans les années soixante, 90 p. 100 des actes d’imagerie étaient réalisés dans les services de radiologie, le reste étant effectué dans les services de médecine nucléaire ou au moyen des quelques installations d’échographie qui existaient à cette époque. L’ordinateur a profondément modifié cet état de choses en permettant une meilleure exploration des données acquises au moyen des caméras à scintillations, en permettant l’avènement du scanner, de la tomographie d’émissions à positrons ou monophotonique (médecine nucléaire), de la radiologie numérisée, de la résonance magnétique nucléaire (R.M.N.), et assurent le développement de l’échographie. Tout laisse à penser que l’on n’en restera pas là, puisque déjà se profile l’usage des hyperfréquences en imagerie. Ainsi, de nouveaux outils voient le jour sans que la place des plus anciens ait toujours été parfaitement définie. On assiste donc, dans ce domaine de l’imagerie médicale, à une réduction du cycle qui va de la conception d’un produit à sa commercialisation. Ces développements non conçus et non prévus par le corps médical sont la conséquence des applications de la numérisation des images , dans les domaines militaire et spatial notamment.

Ainsi, en une vingtaine d’années, la représentation imagée d’un corps humain est passée de la phase des ombres – l’image radiologique classique étant l’ombre projetée d’un objet tridimensionnel – à la phase anatomique, et même vers la phase anatomo-pathologique (identification tissulaire).

Si de nombreux progrès techniques ont contribué à l’amélioration des performances des appareillages conventionnels, seule l’informatique a donné naissance aux procédés de reconstruction d’images , parmi lesquels ceux qui donnent accès à des coupes du corps humain ont été déterminants (scanographe, R.M.N., etc.).

L’impact de ces nouvelles méthodes sur le diagnostic de nombreuses affections a été considérable, permettant de réduire le nombre des interventions chirurgicales à visée diagnostique.

L’imagerie tridimensionnelle (3 D), rendue possible à partir d’images tomographiques bidimensionnelles successives (2 D), facilite l’exécution de certains actes chirurgicaux grâce à une meilleure localisation des lésions dans l’espace.

Le développement de systèmes informatisés de communication entre les différents appareils est utilisé en imagerie médicale. Ces systèmes, P.A.C.S. (Picture Archiving and Communication System), permettent l’archivage et l’accès des documents produits, associés aux données cliniques du patient examiné.

L’analyse en biologie clinique

La biologie clinique est une discipline relativement récente, d’abord fortement liée à la recherche. Les progrès de la connaissance dans les sciences biologiques l’ont alimentée en permanence. Sa contribution étant devenue significative dans le diagnostic et les soins, c’est une activité indépendante.

L’évolution de la biologie clinique a été considérablement influencée par des innovations techniques qui ont souvent pris naissance très loin de ses préoccupations. C’est la chimie industrielle qui lui a fourni ses principaux réactifs et la brasserie ses bioréactifs d’origine.

La biologie médicale a connu une véritable révolution technologique depuis les années soixante. Les appareils utilisés intègrent les progrès de l’automatisme qui se développe dans le sillage de l’ordinateur et du microprocesseur. Le rôle de l’électronique dans l’évolution de l’appareillage s’exerce, d’une part, dans l’affinement des mesures, le traitement du signal, le calcul en temps réel, d’autre part, dans l’interface, avec l’opérateur (appareils «presse-boutons» spécialisés, appareils à commande vocale, etc.).

C’est l’évolution des réactifs qui a le plus marqué les développements de l’analyse en biologie clinique. Deux applications des recherches en biologie fondamentale ont ouvert de vastes perspectives biomédicales: la fusion cellulaire et le génie génétique. La fusion cellulaire en tant que technique (hybridomes) génératrice d’anticorps monoclonaux s’est imposée de par ses nombreuses applications dans le domaine du dosage immunologique à très haute sensibilité (10-7 moles), facteur décisif de progrès en autorisant le dosage de paramètres nouveaux ou l’identification d’éléments anormaux dont la présence dans le sérum du patient traduit l’existence d’une lésion (marqueurs tumoraux).

Parmi les spécialités qui ont le plus bénéficié de ces avancées technologiques, on peut citer, pour les spécialités biologiques, la biochimie et l’hématologie, et, pour les spécialités médicales, l’endocrinologie, la cancérologie, l’allergologie et la gynécologie.

Les produits du génie génétique, et notamment les sondes à ADN, jouent un rôle essentiel en biologie clinique. Elles facilitent le diagnostic prénatal, sur les cellules du liquide amniotique, d’un grand nombre de tares génétiques dont l’identification est parfois complexe.

Anticorps monoclonaux, sondes à ADN, associés à un équipement informatisé d’analyse d’images permettant la reconnaissance automatique des formes cellulaires commencent à révolutionner l’anatomie pathologique en permettant une caractérisation tissulaire, essentielle notamment en cancérologie. C’est dire l’indissociable complémentarité qui existe en analyse en biologie clinique entre une instrumentation spécialisée et des réactifs spécifiques.

Certaines déterminations peuvent être réalisées hors des laboratoires d’analyses médicales, par le patient lui-même ou un personnel non qualifié, et ce grâce à l’existence de trousses de réactifs en vente libre. Des bandelettes supportant le réactif peuvent déceler la présence de substances pathologiques dans les urines; les trousses permettant un dépistage de grossesse sont couramment utilisées. Une large gamme de ces produits s’applique à des sujets souhaitant un diagnostic sans faire appel à un médecin, ou suivre le traitement d’une affection avérée sans recourir au laboratoire, tels les ensembles réactifs-instruments de lecture (glucomètres) utilisés par les diabétiques.

Prothèses et organes artificiels: aide aux handicapés

Tout comme pour les autres secteurs, le développement des prothèses et des organes artificiels a largement bénéficié des derniers développements technologiques dans le domaine de l’électronique, de l’informatique et des matériaux.

Les prothèses et les organes artificiels correspondent à des matériels et à des produits qui permettent d’assurer réhabilitation et aide aux handicapés. On y trouve les prothèses orthopédiques, cardio-vasculaires, les prothèses auditives, les stimulateurs cardiaques, les produits d’assistance temporaire, tels que le rein artificiel, les oxygénateurs du sang et les implants de filtration, de communication ou de sécrétion...

La répercussion des développements technologiques sur ce secteur a pu se concrétiser grâce à la disparition progressive d’un certain obscurantisme médical. Dans le monde entier, les laboratoires de recherche et les industries rattachées au G.B.M. se mobilisent pour prolonger l’espérance de vie. Parmi toutes les solutions explorées, la réalisation des dispositifs d’assistance temporaire, de prothèses et d’organes artificiels implantables destinés à remplacer ou à suppléer telle ou telle partie déficiente de l’organisme a fait de remarquables progrès.

Aujourd’hui, les chirurgiens disposent de prothèses de hanches, de genoux, de coudes, de valves cardiaques artificielles, etc., prothèses bien connues ne nécessitant pas d’apport énergétique et destinées à remplacer une articulation, un fragment osseux ou vasculaire. Ils disposent également de prothèses susceptibles d’améliorer ou de remplacer une ou plusieurs fonctions déficientes d’un organe. Ces prothèses, contrairement aux précédentes, nécessitent un apport énergétique. Elles ont largement profité des progrès réalisés dans le domaine de l’électronique et qui ont abouti à la miniaturisation de circuits complexes permettant d’être intégrés dans des volumes réduits compatibles avec une insertion au sein de l’organisme. Elles ont également bénéficié du développement de l’informatique et de l’électronique.

Le bon fonctionnement de tout organe et sa régulation dans le temps étaient sous la dépendance de signaux biologiques de nature électrique ou biochimique issus de l’organisme lui-même et interceptés par l’organe au moyen de récepteurs appropriés: on conçoit qu’un organe artificiel ne peut pleinement remplir son rôle que s’il est capable d’intégrer ces éléments de commande essentiels. D’où la nécessité d’interposer, entre le milieu biologique et la micro-électronique et micro-informatique qui composent la prothèse, un capteur approprié dont le rôle est de transformer le signal biologique en un signal de commande reconnu par l’électronique. Ce capteur est ainsi un élément indispensable qui conditionne le développement des organes artificiels. La miniaturisation des capteurs permet d’envisager leur intégration au niveau de la micro-électronique, aboutissant à un ensemble de volume très réduit et très fiable. Autre facteur limitant: l’énergie nécessaire à la mise en œuvre de la prothèse. Toutefois, le développement des circuits électroniques, en utilisant des tensions d’alimentation de plus en plus basses, est particulièrement bien adapté aux exigences de la suppléance fonctionnelle.

Lorsque le signal biologique qui commande le fonctionnement de la prothèse est un signal de nature électrique , son analyse et son traitement à destination de la prothèse sont relativement aisés. Le capteur et l’élément de la prothèse qui extériorise ses effets sont souvent représentés par des électrodes. Ainsi, les stimulateurs cardiaques (pacemakers) sont couramment implantés pour suppléer certaines déficiences. Le stimulateur cardiaque au départ très simple est devenu un véritable micro-ordinateur implanté, programmable, tenant compte de l’activité physique du patient et possédant une autonomie énergétique supérieure à une décennie.

Lorsque le signal biologique issu de l’organisme est un signal de nature biochimique , les problèmes à résoudre deviennent considérables, car le capteur qui conditionne le fonctionnement de la prothèse a tendance à s’encrasser rapidement au contact du sang et de la lymphe. La suppléance fonctionnelle est souvent représentée par une sécrétion. La micropompe implantable pour l’injection de médicaments, apparue à la fin des années soixante-dix, pose trois types de problèmes encore mal résolus: autonomie thérapeutique suffisante et facilité de recharge de son réservoir; autonomie énergétique satisfaisante; conservation du médicament dans le réservoir. Nous citerons comme exemple la pompe à insuline implantable, qui représente une étape vers le pancréas artificiel.

Quel que soit le type de prothèse considéré – substitut osseux ou vasculaire, prothèse électronique –, le matériel artificiel implanté va entrer en relation directe avec l’organisme du sujet. Les principaux problèmes à résoudre se situent dès lors à l’interface organe artificiel-tissu vivant. Le matériau qui compose la prothèse ou qui réalise une enveloppe externe dans le cas des prothèses électroniques est amené à travailler sous contrainte biologique. Toutes les prothèses disponibles ainsi que les dispositifs d’assistance temporaire comme le rein artificiel, les dispositifs de circulation extracorporelle du sang ou les oxygénateurs du sang ont été réalisés à l’aide de matériaux existants, disponibles sur le marché et conçus pour d’autres usages. Il s’agit de polymères, d’alliages métalliques, de céramiques, de matériaux composites, de nouveaux matériaux. Cependant, l’organisme placé au contact de tels matériaux peut être le siège de réactions tissulaires équivalentes aux réactions de rejet qui interviennent après une greffe d’organe, on parle de biocompatibilité . Ainsi, la réalisation de prothèse passe par la mise au point de matériaux spécialement conçus et réalisés pour de tels usages. Viennent s’ajouter aux matériaux déjà existants toute une gamme de matériaux composites, réhabitables, résorbables, non toxiques, de polymères greffés et réticulés sous rayonnement. À ces matériaux compatibles avec les tissus vivants, on donne le nom de biomatériau , qui apparaissent comme un ensemble dont il faut souligner la diversité. Chaque usage commande la mise au point d’un biomatériau dont les caractéristiques mécaniques, l’état de surface, etc., répondent à des spécifications particulières. Ces matériaux assurent parfaitement la fonction physiologique qu’ils sont chargés de restaurer (fonction circulatoire, fonction de mouvement, fonction de soutien) et, dans le cas des prothèses électroniques, ils assurent une protection des divers constituants et rendent l’ensemble parfaitement toléré par l’organisme.

Parmi les derniers développements, citons les biomatériaux semi-perméables, à la base du développement d’une autre option du pancréas artificiel qui consiste à encapsuler des fragments tissulaires étrangers producteurs d’insuline, lesquels ne peuvent être mis directement au contact de l’organisme sous peine de rejet, mais dont la sécrétion est utile à ce dernier pour compenser sa déficience interne. La biomembrane artificielle, tout en isolant le tissu étranger de l’organisme, est susceptible de laisser filtrer le glucose, signal biologique de commande de la sécrétion d’insuline, laquelle peut à son tour traverser la membrane pour être déversée dans le sang et exercer son action.

Les difficultés rencontrées dans le domaine des organes artificiels ne doivent pas constituer un frein au développement de la suppléance fonctionnelle, car les progrès sont permanents et les découvertes incessantes. Ainsi a-t-on vu les capteurs d’abord intégrés dans le silicium avec leur électronique associée, puis dans des polymères; ils sont maintenant constitués de membranes hybrides utilisant des produits d’origine biologique (enzymes, anticorps, etc.).

La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si l’électronique constitue une étape technologique de la suppléance organique et si elle survivra au tout biologique lorsqu’on aura résolu les grands problèmes d’immunogénicité cellulaire, de manipulations génétiques, susceptibles de traiter les problèmes rencontrés dans les greffes d’organe. Il est toutefois vraisemblable que les organes artificiels trouveront leur utilité dans la suppléance temporaire , apparaissant dès lors comme un outil thérapeutique complémentaire à la greffe d’organe. Cela peut expliquer les résultats d’études prévisionnelles qui font apparaître que les organes artificiels représenteront, d’ici à la fin du siècle, 20 p. 100 du budget consacré à la santé.

Matériel et produits médico-chirurgicaux

Ce secteur inclut toute une série de produits de nature et d’importance très différentes, qui comporte:

– le mobilier médico-chirurgical: tables d’opération, fauteuils roulants, etc.;

– les instruments médico-chirurgicaux: bistouris électriques, à laser, à micro-ondes, qui ont avantageusement remplacé le scalpel et qui permettent une cautérisation des vaisseaux sanguins arrêtant immédiatement par coagulation tout saignement résultant de l’intervention; cavitron, appareillage de chirurgie destiné à fragmenter sélectivement les tissus et à les aspirer; lasers chirurgicaux à C2, à colorants, Yag; super-bistouris électriques, endoscopes, etc.;

– le matériel à usage unique: pansements hémostatiques, bactériostatiques, réfrigérants, cicatrisants; fils de suture, sondes, drains, seringues, aiguilles, cathéters, etc.; produits relevant de la pharmacie et devant être conformes à la pharmacopée;

– les matériels et les produits dentaires, de kinésithérapie, d’orthopédie, etc.

Si certains de ces produits présentent un faible potentiel évolutif, d’autres, par contre, ont largement bénéficié des progrès des sciences et des techniques. Citons par exemple l’apport du développement des biomatériaux dans l’évolution des produits à usage unique, qui constituent ainsi un secteur en forte expansion. Citons également les lasers chirurgicaux. Le rayonnement laser est caractérisé par une concentration de faisceaux lumineux de même longueur d’onde et qui sont tous en phase à un instant donné (cohérence spatiale et temporelle). Cela explique que le rayonnement laser soit orienté dans une seule direction et qu’il ait une couleur déterminée, fonction de sa longueur d’onde. Ainsi, l’énergie lumineuse peut être transportée sans perte et concentrée sur de très petites surfaces assurant, dans le cas des lasers chirurgicaux, coagulation, coupe ou volatilisation de petites quantités de matière très localisées. Cela est lié aux effets thermiques du rayonnement. Si le tissu soumis au rayonnement laser renferme un composé chimique capable d’absorber des photons correspondant à la longueur d’onde du rayonnement incident, on assiste à une destruction sélective du tissu (cf. tableau) par effet photochimique (lasers à colorants). On peut ainsi détruire de façon sélective des cellules cancéreuses par administration préalable d’hématoporphyrine, qui se fixe au niveau de ces cellules. Le faisceau laser peut être transmis par l’intermédiaire de fibres optiques contenues dans un cathéter empruntant le canal opérateur d’un endoscope en vue de traiter certaines lésions endocavitaires digestives, trachéobronchiques, urinaires ou gynécologiques. Le choix du laser repose sur la longueur d’onde du faisceau, sa puissance lumineuse est fonction des caractéristiques du tissu à traiter et des tissus qu’il doit éventuellement traverser.

Exploration fonctionnelle et surveillance

Les organes et les tissus qui composent l’être humain génèrent des grandeurs physiques et/ou chimiques, reflet de leur état fonctionnel: potentiels électriques, pressions, températures, gaz carbonique, produits biochimiques plus ou moins complexes, etc. Le recueil, la mesure et l’analyse de ces grandeurs, stables ou variables dans le temps, sont à la base de l’exploration et de la surveillance du fonctionnement de ces organes et tissus. On utilise pour ce faire une chaîne de mesure dont la spécificité dépend de la nature du capteur qui la compose et qui a pour objet de transformer la grandeur recueillie sur le patient, selon les cas, par voie cutanée, endocavitaire ou percutanée, en une information le plus souvent électrique, qui, après cheminement dans la chaîne de mesure, est transcrite sur papier, par l’intermédiaire d’une imprimante ou d’une table traçante, ou sur écran vidéo. Ainsi, l’électrocardiographe, l’électroencéphalographe, l’électromyographe permettent, grâce à des électrodes convenablement disposées à la surface de l’organisme, d’étudier les potentiels électriques issus du cœur (E.C.G.), du cerveau (E.E.G.) ou des muscles (E.M.G.). De même, un capteur de pression disposé à l’extrémité d’un cathéter, introduit dans l’organisme par voie percutanée et relié à la chaîne de mesure externe, permet une mesure de la pression sanguine à différents niveaux du système cardio-vasculaire. On peut également, par voie endocavitaire, mesurer au moyen de capteurs appropriés une acidité, une concentration ionique, une pression, etc.

Le diagnostic, la mise en œuvre et la surveillance des traitements nécessitent l’automatisation des appareillages. La miniaturisation de l’électronique et l’usage généralisé des microprocesseurs ont marqué l’évolution de ces appareils en leur procurant toute la souplesse et la puissance de l’informatique, des logiciels spécifiques permettant l’automatisation des mesures et la réalisation de calculs parfois complexes effectués sur les données acquises. Cette automatisation explique que certains appareils de surveillance, tels les tensiomètres automatiques, soient en vente libre, à l’image des dispositifs de mesure de certains paramètres biologiques qui assurent un autodiagnostic.

La majorité des services d’anesthésie et de réanimation utilisent couramment des systèmes simples informatisés («moniteurs») qui permettent une surveillance en continu des patients (ou monitorage ): surveillance de la fonction cardiaque par l’intermédiaire de l’E.C.G. et de la mesure de la pression artérielle, de la fonction neuromusculaire par l’intermédiaire de l’E.M.G. qui permet de contrôler l’administration de curares, de la fonction cérébrale par l’intermédiaire de l’E.E.G. qui contrôle la profondeur d’une anesthésie, de la fonction respiratoire grâce à la mesure de la consommation en oxygène et de la production de gaz carbonique, etc. Ces systèmes permettent également une représentation graphique des courbes de tendance de certains paramètres vitaux et sont munis d’alarmes appropriées.

La miniaturisation de l’électronique et l’usage des microprocesseurs ont également contribué à modifier certaines stratégies médicales , notamment en assurant la surveillance ambulatoire des patients. Cette surveillance permet d’identifier des anomalies susceptibles de se produire en période d’activité professionnelle, sportive ou lorsque le patient se trouve placé dans un certain environnement. Elle permet également de confirmer un diagnostic et d’évaluer les effets de certains médicaments. Parmi les exemples les plus courants, citons: la mesure ambulatoire de la tension artérielle pour la surveillance des patients hypertendus ou dont la tension artérielle est difficile à contrôler, la mesure ambulatoire de l’E.C.G. dans le dépistage préventif de certaines maladies cardio-vasculaires, la mesure de l’E.E.G. dans le diagnostic différentiel de certains troubles psychiatriques et l’évaluation de l’effet de certains médicaments, etc.

Pour la surveillance ambulatoire, le patient dispose d’un enregistreur portatif accroché à la ceinture (Holter) qui effectue les mesures successives ou continues; leur lecture se fait en différé. Le micro-ordinateur intégré au lecteur permet grâce à ses programmes de réaliser certaines analyses plus ou moins complexes telles que l’étude de la morphologie de certains signaux.

Ces dispositifs de surveillance ambulatoire vont bientôt commander en temps réel certaines actions à visées thérapeutiques, constituant ainsi un circuit en boucle fermée à l’image des organes artificiels. Par exemple, la délivrance d’un médicament contenu dans une pompe portée par le patient sera sous la dépendance d’une valeur seuil du paramètre étudié.

Tout comme pour les appareils utilisés en biologie clinique ou ceux qui permettent le traitement de certaines déficiences fonctionnelles, les appareils utilisés en exploration fonctionnelle et en surveillance tirent leur spécificité de la nature du capteur, qui assure l’interface entre l’organisme et l’électronique qui compose la chaîne de mesure. Si les capteurs à base de silicium sont souvent utilisés, les biocapteurs miniaturisés qui associent un matériau biologiquement sélectif (enzyme, anticorps monoclonal, etc.) à un semi-conducteur, permettent d’étendre considérablement le champ d’application des appareillages déjà existants. La grandeur à mesurer, en agissant sur le matériau biologique du capteur, génère une énergie thermique ou rayonnante, proportionnelle à l’intensité de la réaction, qui est transformée en un signal électrique par le semi-conducteur. Les applications potentielles de ces biocapteurs concernent la mesure de substances antigéniques, de nombreux paramètres chimiques (pH sanguin, glucose) ou la détection de corps toxiques (dioxyde de carbone).

Le développement des équipements et des matériels médicaux à usages préventif, diagnostique, thérapeutique ou de réhabilitation est une conséquence de la demande d’une population mieux informée et plus exigeante. Il est aussi la retombée naturelle du progrès technologique et de l’innovation. Cette innovation représente une réponse du génie humain à des besoins légitimes de santé. C’est cette évolution qui a ouvert des perspectives nouvelles à la recherche et au développement industriel en génie biologique et médical.

Ainsi, les sciences biomédicales ont subi une mutation technologique dont elles ont su tirer parti pour approfondir la connaissance de l’homme et de ses affections.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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